La chaleur de l’été 1058 accable la foule
de paysans qui se pressent à proximité du ruisseau du
Doménon pour assister à un spectacle peu commun, la
consécration d’une église prieurale dédiée aux saints
Pierre et Paul et à tous les apôtres. Tous les hauts
prélats de la région sont venus, à commencer par Léger,
l’archevêque de Vienne. Il est assisté d'Ebbon,
l’archevêque de Tarentaise, de Winimand, l’archevêque
d'Embrun et d’Artaud, l’évêque de Grenoble. Ce dernier
n’est pas à son aise en ce lieu, car il doit s’incliner
devant les maîtres de cités archi-épiscopales plus
importantes que sa bourgade située au confluent de
l’Isère et du Drac. Le nouveau prieuré qui sera consacré
tout à l’heure est richement doté, mais il dépend de
l’ordre de Cluny et échappe de ce fait à son contrôle.
En ce début de Moyen Âge, les préoccupations temporelles
de l’évêque de Grenoble sont légitimes. Bien qu’étant un
des plus riches propriétaires fonciers de la vallée du
Grésivaudan et des environs, il doit sans cesse
affronter les prétentions des seigneurs laïcs qui ont
usurpé des biens d’église à la faveur de l’anarchie qui
caractérise la période. Et celui qui est à l’origine de
cette cérémonie grandiose n’est pas le dernier à avoir
assis son pouvoir de la sorte : Ainard est sans doute le
noble le plus puissant de la vallée, ses possessions
s’étendant de Domène à Allevard en passant par Theys sur
la rive gauche, de Crolles à Saint Ferjussur la rive
droite, ainsi que des terres en Matheysine, Trièves,
Champsaur et Savoie. Il détient tous ces biens en franc-alleu,
ce qui signifie qu’il ne doit de comptes à personne et
ne reconnaît aucune autorité supérieure pour ses terres. |
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